Il est probable que tous les prisonniers ont écrit à leurs proches restés à l’extérieur. les lettres de deux d’entre eux ont été publiées. Celles de Moshé Carmel furent publiées juste après sa libération dans le recueil « entre les murs » qui fut un best-seller. Des générations de soldats juifs ont été imprégnés par ce livre. A la lecture de des lettres de Carmel, qui était déjà un leader connu, on découvre qu’elles ont été rédigées pour être publiées. Elles s’adressent davantage au Yshouv en lutte pour la création d’un État des juifs, qu’à ses proches. Moshé Carmel s’attache moins à décrire sa expérience carcérale qu’à donner une expression à l’espoir d’un peuple, à l’idéologie sioniste, à la réalité collectiviste du projet. Il utilise un langue poétique, riche, comportant de nombreuses maximes, métaphores et écrits philosophiques.
La rencontre avec la famille se déroulait sans aucune intimité. Nous étions séparés des visiteurs qui se tenaient sur un remblai en béton, par un large réseau de barbelés. La discussion avait lieu en criant. Maman et Ruth étaient venues avec Yaël qui portait un habit de fête et qui se sauva pour ramper en direction des barbelés. Mon coeur se mit à bouillonner. Ruth soulevait Yaël le plus haut possible. Nous criions : « Comment vas-tu ? » à plusieurs reprises. Je tentais de la questionner sur la situation de la ferme, de l’ens l’ensemencement… Que pouvions-nous espérer dire au cours de ces minutes émouvantes entrecoupées par les « Yala Yala » du gardien ?
Tout au long de sa vie, Dayan aura été perçu par le public comme un homme dur et à part. La fibre sentimentale qui apparait comme une constante dans ses lettres de prison reflète un côté de sa personnalité que bien peu de gens auront eu l’occasion de discerner.
La seconde question qui tourmente Dayan et qu’il exprime régulièrement dans ses lettres, est le sentiment amer que ses camarades et lui sont en prison au moment où le monde entier se mobilise avec force contre les nazis. Dans ses mémoires, il racontera qu’il trouve à s’occuper en sculptant des cadres en bois et en enfilant des noyaux de fruits pour faire de bracelets. « Ce n’était pas exactement des occupations appropriées pour un homme jeune, un militaire, au moment où l’Europe était envahie, les juifs persécutés et le front se rapprochant d’Israël. » Dayan a tété de l’idéologie sioniste avec le lait de sa mère, il est si imprégné de sionisme que toute expression sioniste lui semble superflue. Il est difficile de trouver dans ses lettres de prisonnier des propos élevés sur les missions de sa génération, sir les buts ultimes de la lutte, sur le devoir de réalisations ou sur la loyauté. Dayan écrit les conditions difficiles qui règnent dans la prison mais sans jamais se plaindre, même lorsqu’il est enfermé pendant trois jours dans une cellule étroite, humide et moisie. C’est Ruth qui en parlera :
Certains camarades avaient besoin d’une période prolongée de convalescence après un isolement aussi éprouvant, alors que Moshé ne demanda qu’une bougie et une bible grâce auxquels il réussit à tenir bon.
Ruth tente de profiter des relations de ses parents avec Londres pour obtenir une grâce pour son mari et elle essaie de partir pour Londres afin d’y rencontrer la reine-mère. Mais Moshé lui interdit à musiques reprises d’entreprendre une telle démarche dont les resultats ne seraient profitables pour tout le groupe. Il lui interdit même de demander un aménagement de son travail pour lui permettre de les rencontrer plus souvent, elle et Yaël. Néanmoins le directeur de la ferme expérimentale dans laquelle travaille Dayan organise par surprise une rencontre entre Moshé et Ruth dans l’une des plantations. Dayan la blâme : « Ne refais jamais cela. Comment pourrais-je réapparaître devant les autres camarades ? Je ne veux pas faire cela aux 42 autres. »