Dayan est toujours considéré par le commandement de la Haganah comme un agent de premier plan. De temps en temps elle lui confie des missions. A la fin de l’année 1944 et au début de 1945, Dayan est mobilisé durant plusieurs mois pour une mission spéciale, dépourvue de gloire et frustrante. Le 1er février 1944, Ména’hem Begin, qui vient d’être promu à la tête de l’Irgun (Etzel) proclame la révolte contre les autorités britanniques, alors que la guerre mondial bat son plein. La direction de l’Agence Juive et le commandement de la Haganah considèrent à ce stade que les actions de l’Irgun contre les anglais représentent un grave danger. Ils font à l’époque de gros efforts pour obtenir la création d’une brigade combattante spéciale au sein de l’armée britannique qui serait composée de volontaires juifs palestiniens et qui participerait aux combats en Europe. D’où la volonté absolue de l’Agence Juive de poursuivre la collaboration avec les autorités mandataires tant que la guerre durera.
Après que deux combattants du Le’hi aient assassiné au Caire Lord Moyne, le premier représentant britannique au Moyen-Orient, il est décidé d’éliminer les organisations dissidentes qui n’accepteraient pas l’autorité de l’Agence Juive. Une unité spéciale de la Haganah est chargée d’une opération qui sera surnommée « la saison » d’après l’expression française « la saison de chasse ». De nombreux activistes de l’Irgun sont arrêtés et retenus dans plusieurs kibboutz ou parfois livrés aux anglais. Les britanniques exilent nombre d’entre eux dans des camps d’internement en Érythrée.
Cette déplorable affaire fit l’objet en son temps de graves controverses et de nos jours elle est encore perçue comme une tâche sur le leadership sioniste de cette époque. Il n’est pas surprenant que Moshé Dayan ne s’étende pas sur son rôle dans cet épisode. Ruth ne conserve pas de souvenirs positifs de cette époque. « Ce furent des jours déments où chacun soupçonnait son prochain. Un poids fut retiré de nos coeurs lorsque cette période prit fin. » Cependant, à partir des rares propos de Dayan, on comprend qu’il a joué un role centrale dans cette affaire. Pendant plusieurs mois, il laisse sa famille à tel-Aviv. Dans le cadre de sa mission, il est amené à rencontrer les dirigeants des organisations clandestines dissidentes et il engage avec Mena’hem Begin des discussions prolongées. Ce dernier est impressionné : « Sur de nombreux sujets, nous étions d’accord. » Dans ses mémoires il racontera que Dayan « faisait entendre à ses oreilles des encouragements attachants… Il analysait nos opérations selon un angle principalement éducatif. Elles démontraient à toute la jeunesse juive qu’il était possible de frapper les anglais. » De son côté Dayan témoignera qu’il appréciait leurs opérations et leur abnégation., et qu’il avait trouvé avec eux un language commun. Mais il demeure fidèle à la voie tracée par David ben Gourion qui disqualifie totalement leur politique et condamne leur refus de la discipline nationale.
Ce dualisme se retrouve encore lors de sa rencontre avec les dissidents à la prison de Saint Jean d’Acre. Il racontera : « Il y a ici 34 hommes révisionnistes, la plupart très jeunes. Même si je n’accepte pas leurs positions, je les considère comme une partie d’entre nous qui symbolise à Saint Jean d’Acre la souffrance actuelle des juifs. » Il aura l’occasion de les affronter à nouveau mais au fil des années il fera équipe avec ces jeunes, y compris sur le plan politique.