
Fin 1953, la mission d’un an du général Mordékhaï Maklef en tant que chef d’État-major s’achève. C’est à ce moment que David ben Gourion, chef du gouvernement, décide de se retirer des affaires pour une période prolongée et sans qu’on en connaissance la durée. Il devient membre du kibboutz Sdé Boker situé sur le plateau du Néguev. Par son exemple il entend raviver la flamme de l’esprit pionnier qui selon lui s’est affaiblie depuis la création de l’État. Tous les journaux publient la photo où l’on voit Ben Gourion prenant soin d’un agneau dans l’enclos du kibboutz. Le parti choisit de confier le gouvernement au ministre des affaires étrangères Moshé Sharett. Le poste de ministre de la Défense jusqu’alors également occupé par Ben Gourion, revient à un jeune ministre Pin’has Lavon, connu pour son intelligence, ses dons d’orateur et considéré comme un modéré sur la question du conflit avec les arabes. Le 7 décembre 1953, quelques heures avant sa démission, Ben Gourion nomme Shimon Péres au poste de Directeur Général du ministère de la Défense et Moshé Dayan au poste de Chef d’État-Major. La nomination de Dayan était attendue et évidente. Il est le général le plus chevronné. Par ailleurs ses liens personnels et politiques avec Ben Gourion ne sont un secret pour personne. Malgré cela, Sharett s’inquiète beaucoup de cette nomination et informe Ben Gourion qu’il s’y oppose. Il écrit dans son journal :

Je dis aussitôt que Dayan était un soldat uniquement en temps de guerre, mais qu’en période de paix, c’était un homme politique qui n’avait aucun goût pour les affaires militaires. Sa nomination signifiait la politisation de l’État-major. Les capacités d’intrigue du nouveau Chef d’État-major seront une source fertile de complications.
Sharett a sans doute raison pour ce qui est de la dimension politique de Dayan qui n’est pas plus passionné que cela par la gestion de l’armée. Mais ses accusations sur les supposées capacités d’intriguant de Dayan ne sont alimentées que par une appréciation assez répandue au sein du ministère des Affaires Étrangères. Les fonctionnaires de Sharett partagent le sentiment que Dayan ne les estime pas comme il conviendrait et qu’il minimise leur importance. À la tête du gouvernement Moshé Sharett ne manquera pas d’exprimer ouvertement son mépris et les relations entre les deux protagonistes ne cesseront pas de se dégrader. Un gouffre béant les sépare tant sur le plan du tempérament que de leur conception de la politique que le gouvernement d’Israël doit adopter dans sa gestion du conflit. Leur défiance réciproque est la source de leur opposition. Mais pour le moment Dayan, qui vient d’obtenir tous les pouvoirs, concentre son énergie sur le renouveau de Tsahal.