Exode XXI, 24

Le nombre des meurtres et des actions de pillage augmentent à partir de 1952. Des infiltrés palestiniens tuent régulièrement des juifs qu’ils croisent leurs chemins et ils attaquent les maisons de villageois. Ces incidents mettent à mal la sécurité de centaines d’immigrants installés dans les localités qui fleurissent le long des frontières. On observe même des cas d’abandons de localités. Les habitants prévenus à temps prennent l’habitude de se rassembler dans l’une des maisons pour passer la nuit ensemble, par peur de rester seuls dans leurs maisons. Différentes ressources sont mobilisées pour accroitre la sécurité à la frontière : Les villages sont entourés d’une clôture et les alentours sont minés; des unités de l’armée et de la police dressent des embuscades aux points sensibles; Les habitants sont entrainés et reçoivent des armes légères et dans chaque village un soldat est affecté afin d’organiser la défense. Mais tous ces efforts n’empêchent pas les actes de sabotage  répétition.

Dayan est persuadé que la seule façon de réduire le niveau d’activités des infiltrés consiste à persuader les autorités dans les pays arabes voisins qu’elles doivent agir fermement pour empêcher les infiltrations à partir de leurs territoires. « Persuader le côté d’en face », c’est de mener des opérations de représailles, une politique du genre « oeil pour oeil, dent pour dent », non dans un esprit de vengeance mais afin de créer une réalité dissuasive. Etant donné le rapport de force d’alors, on pense en Israël que les pays arabes voisins ne sont pas intéressés à envenimer la situation pouvant entrainer une confrontation généralisée, Dans cette vision, les coups sévères portés par Tsahal contre le camp d’en face, devraient inciter les autorités arabes à augmenter leurs efforts pour contrôler les candidats à l’infiltration, afin d’empêcher une guerre avec Israël. Moshé Dayan précisait sa position dans un article paru dans le journal de Tsahal :

Nous ne sommes pas en mesure de protéger chaque canalisation d’eau contre une explosion ou d’empêcher qu’un arbre soit déraciné. Nous n’arrivons pas à stopper les assassinats d’ouvriers dans les vergers ou de familles pendant leur sommeil. Mais nous avons les moyens de fixer un prix élevé pour notre sang, un prix qu’aucun village arabe, armée arabe ou gouvernement arabe ne voudra payer.

Meïr Har Tsion et Arik Sharon

A la lumière de échecs de plusieurs opérations, il est proposé de créer une unité de commandos spéciale qui serait le bras armé de la politique de représailles de Tsahal. Au début Dayan est opposé à cette idée. Il considère qu’il faut renforcer l’état d’esprit combattif  dans toutes les unités de l’armée et non créer une unité spéciale assignée à ces opérations. Cependant il comprend que cette politique de représailles ne peut se permettre des échecs et qu’elle a besoin de succès incontestables sur le terrain afin d’être efficace. L’unité 101, qui entrera dans la légende de l’armée, est créée par un jeune commandant, que Dayan a connu alors qu’il était officier des renseignements du commandement de la région Nord, Ariel (Arik) Sharon. L’unité est composée de volontaires, dont quelques vétérans du Palma’h et surtout des jeunes engagés courageux en quêtes d’aventures. L’un de ces volontaires s’appelle Meïr Har Tsion du Kibboutz Ein ‘Harod de la vallée de Jezreel et qui s’avérera être un combattant intrépide. Par exemple, il conduira un petit groupe de cinq soldats par une nuit de tempête et de pluie jusqu’aux abords de la ville d’hebron, soit une marche aller-retour de 40 km à pied. Une telle opération suppose non seulement du courage mais aussi une aptitude physique remarquable.

La première rencontre entre Moshé Dayan et Meïr Par Tsion fut assez originale. En septembre 1953, l’unité 101 est mobilisée pour renvoyer du côté égyptien de la frontière la tribu bédouine El-Azazma qui est revenue s’installer sur le terrain démilitarisé de Nitsana. Dayan se rend sur place pour observer ce qui s’y passe de ses propre yeux. Il décrira ces évènements dans ses mémoires :

Deux cadavres de chameaux reposaient dans un des wadis et des oiseaux de proie s’étaient approchés d’eux. Au moment où je pointais mon fusil en direction de l’un des oiseaux et que je m’apprêtais à appuyer sur la gâchette, quelqu’un m’attrapa la main et me réprimanda  : « Qu’est-ce que tu fais ? c’est un aigle ! » Je regardais derrière moi. Face à moi se tient le commandant de la patrouille, Meïr Har Tsion, un grand jeune homme maigre au visage enfantin, une mèche parant son front. Même en colère son visage restait illuminé. Il n’était habituel qu’un caporal ôta son fusil des mains d’un général. Har Tsion m’expliqua que ne survivait en Israël qu’une trentaine de couples d’aigles.

Dayan aura l’occasion de croiser à nouveau Har Tsion dans des circonstances moins agréables mais il restera toujours persuadé qu’il est le meilleur soldat de Tsahal.

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