Le numéro 2

Dayan n’exerce pas longtemps la fonction de commandant du front nord. Fin 1952, une crise éclate au sein du commandement supérieur de Tsahal. Le premier ministre David Ben Gourion veut consacrer le maximum de ressources à l’intégration des immigrants et au peuplement des vastes zones inhabitées. Il décide alors de coupes drastiques dans le budget de la défense. Il exige du Chef d’État-major qu’il congédie plusieurs milliers de militaires de carrière et d’employés civils de l’administration militaire.Estimant que la réduction est trop brutale et qu’elle menace la sécurité du pays, Ygal Yadin démissionne. Son adjoint, Morde’haï Maklef accepte d’être nommé Chef d’État-major mais pour une année seulement. Dayan maintient son refus d’être nommé adjoint mais accepte le poste de numéro 2 dans la hiérarchie de Tsahal, celui de chef des opérations.

A ce nouveau poste, Dayan est en charge des opérations, de la planification, de la formation et des renseignements de Tsahal. Ils sont nombreux à être surpris par la nomination de celui qui possède une image de rustre, d’indiscipliné, voire de plouc décomplexé. Beaucoup le considèrent comme imprévisible. Dayan ne craint pas de changer d’avis et souvent il surprend son entourage par ce qui leur semble être des contradictions. « Seuls les ânes ne changent pas d’avis » a-t-il l’habitude de dire en souriant, sans pourtant dissiper le sentiment de malaise aussi bien parmi ses subordonnés que parmi ses supérieurs. Cette image qu’on a de lui est alimentée par des histoires que l’on raconte sur ce qu’il a fait ou n’a pas fait, mais elle résulte aussi du fait qu’il restera toujours un loup solitaire. Il n’aura jamais au sein de l’armée des cercles de fidèles ou de proches et il ne bénéficiera d’aucun appui du pouvoir politique à l’exception de David Ben Gourion qui croit en lui et facilite son avancement. Il bénéficiera d’une estime certaine que lorsqu’il arrivera au sommet de la hiérarchie militaire, sans jamais arriver à effacer cette image d’homme sans retenue.

Le 7 décembre 1952, Dayan se présente dans les bureaux de l’État-major à Ramat Gan. Celui qui est perçu comme indifférent aux autres noue des relations chaleureuses et informelles avec les personnes qui travaillent chaque jour avec lui. Il a avec trois d’entre elles des relations particulièrement étroites : le directeur du bureau du Chef d’État-major qui l’aidera dans l’exercice de ses fonctions, sa secrétaire, une femme lieutenant qui est gère son bureau et son chauffeur qui lui est très dévoué. Ce petit groupe est intégré au cercle familial de Dayan et est autorisé à venir dans sa maison même sans y être invité. Il n’a aucun secret pour ces trois-là, y compris pour les affaires les plus intimes. Dayan les autorise à ouvrir toutes les lettres, même celles sur lesquelles est inscrite la mention « Pour le destinataire seulement » ou « Très personnel ». « Je n’ai pas l’intention de gérer un dossier personnel » explique-t-il à ses collaborateurs. Il se fie totalement à la discrétion des trois ainsi qu’à leurs successeurs quand ils seront remplacés au fil des années.

Le Général Shlomo Gazit. Son frère Mordechai Gazit fut ambassadeur en France de 1976 à 1979.

Shlomo Gazit est le chef de bureau de Dayan lorsqu’il est chef des opérations. Gazit est un vétéran de la brigade Harel et a participé aux combats dans les hauteurs de Judée pendant la guerre d’indépendance. Au commencement de sa carrière militaire, il a été l’un des éditorialistes du bimensuel Ma’arakhot où il s’est fait remarquer pour ses talents littéraires, sa vaste culture et son intelligence aigue. Nommé par son prédécesseur, Mordekhaï Maklef, Dayan le maintient à son poste. Gazit racontera qu’au début il s’inquiétait beaucoup de ce changement, tant Maklef et Dayan étaient des personnalités très différentes. Mais rapidement Dayan prend la mesure de son intelligence et de son intégrité et le maintiendra à ce poste jusqu’à sa nomination à la tête du bataillon 51 de la brigade Golani. Il travailla à nouveau pendant plusieurs années aux côtés de Dayan lorsque celui-ci devint ministre de la défense. Il acheva une carrière impressionnante au sein de Tsahal avec le grade de général à la tête de l’Aman, les renseignements militaires.

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