Les années qui précèdent l’arrivée de Dayan à l’État-major sont des années de médiocrités pour ce qui touche aux opérations militaires de Tsahal. En 1949, la génération qui avait fourni les contingents des brigades de Tsahal pendant la guerre d’indépendance, avait été démobilisée. Les rangs de l’armée se composent à présent d’immigrants de fraiche date arrivés dans le pays quelques mois avant leur incorporation. L’encadrement professionnel, la logistique et les unités techniques qui requièrent un haut niveau d’éducation passent aux mains de bacheliers nés dans le pays. Par ailleurs le niveau des unités combattantes reste médiocre. Durant les trois années qui suivent la fin de la guerre, Tsahal connait de nombreux revers. Ainsi au cours d’une de ces opérations, un bataillon entier ne partie pas à venir à bout d’une petite unité de miliciens locaux. Il se retire immédiatement dès qu’on lui tire dessus et l’un de ses soldats est tué. Même un bataillon de parachutistes, considéré pourtant comme une unité d’élite, connait plusieurs échecs. D’autres formations ne sont pas à la hauteur. C’est le cas d’une bâtiment des garde-côtes de la marine qui s’échoue sur la côte de l’Arabie Saoudite dans le Golfe d’Eilat. On doit faire exploser le bateau et récupérer l’équipage avec des avions de tourisme qui atterrissent sur une page déserte.
Dayan comprend qu’une transformation radicale de Tsahal est désormais nécessaire pour en faire une véritable armée combattante. Une telle transformation implique des changements personnels et organisationnels, à commencer par l’état d’esprit qui règne au sein du commandement.Et cela ne saurait être réalisé uniquement par des déclarations et des discours. Il doit donner personnellement l’exemple et accomplir des gestes qui seront rapidement connus dans toute l’armée et qui indiqueront dans quel sens se fait le changement. Il commence par transformer son bureau pour qu’il ressemble à un poste de commandement sur le terrain et non à celui d’un directeur de banque. Il renonce également à son aide de camp personnel, fonction essentiellement protocolaire, et au début de sa carrière il voyagera dans un jeep plutôt que dans une splendide voiture de fonction. Il passe l’essentiel de son temps en tournée sur le terrain pour visiter des unités. Depuis toujours il déteste les longs débats dans des bureaux climatisés. Il écoute ceux auxquels il ne peut se soustraire et il délègue une bonne partie de ses pouvoirs aux chefs de départements de l’État-major sous la direction de Meïr Amit qui lui succèdera comme chef des opérations.
Afin de concentrer les efforts de l’armée sur ses missions de combat, Dayan décide de transférer les services que le ministère de La Défense ou que d’auteurs administrations peuvent prendre sous leur responsabilité, avec le même niveau d’efficacité. L’hôpital militaire central devient un hôpital civil; toutes les activités de construction, de stockage et d’entretien des véhicules civils passent au ministère de La Défense; d’autres activités sont confiées à des entreprises civiles. Cela permet de se séparer de milliers d’employés civils travaillant pour l’armée et d’autres centaines d’emplois permanents mais non essentiels. Dayan et ses officiers estiment qu’une guerre à grande échelle est très peu probable dans les prochaines années et qu’en conséquence c’est le bon moment pour lancer des programmes de préparation qui renforceront les capacités militaires de Tsahal sur le long terme, au détriment des programmes en cours qui visent au maintien du niveau actuel. L’acquisition d’un armement moderne nécessaire à la guerre passera avant l’amélioration des conditions de vie du personnel militaire.
À cette époque la chorale du Na’hal chante un refrain que de nombreux israéliens connaissent : « Des canons et non des chaussettes, des chars et non des souliers. » Afin de développer l’esprit combattif, Dayan insiste auprès des officiers de l’armée : « Les explications d’un commandant d’unité qui n’aura pas accompli sa mission qui lui aurait été assignée, parce qu’il n’aura pas réussi à venir à bout des forces ennemies, ne sauront plus acceptées, sauf si au moins 50% de ses hommes ont été touchés. »
Dans l’article qui est publié en son nom par l’hebdomadaire BaMa’hané, il écrit : « Le commandant n’est pas l’élément le plus précieux de son unité dont il faudrait s’assurer qu’il ne soit pas touché. Le plus important pour unité est l’objectif ennemi qu’il doit atteindre. » Il renouvelle le slogan qui sera la pierre angulaire du comportement des officiers : « La maîtrise de l’unité pendant le combat ne passe par la communication orale, par radio ou par écrit. La maîtrise c’est la direction de l’unité et de son action pour la réalisation de sa mission. Le principal outil est l’ordre : Après moi. » Celui qui s’exprime est le Dayan qui avançait à la tête de ses hommes sous un feu nourri à Lod et à Ramleh.