Nasser

Gamal Abdel Nasser

Le retour de Ben Gourion au ministère de la Défense stabilise momentanément la vie politique et donne un peu d’air à Moshé Dayan. Dans une lettre qu’il écrit un mois plus tard, il explique que les choses sont plus faciles pour lui et pour tout ce qui relève des affaires de sécurité, que « les choses s’éclaircissent et avancent, et que des alternatives se dessinent de plus en plus. » Il comprend très bien que l’abîme qui sépare l’approche de Ben Gourion de celle du Premier Ministre Moshé Sharett sur les questions politiques et sécuritaires, est profond et ne peuvent converger. En 1955 la situation internationale au proche-Orient et l’état des relations d’Israël avec ses voisins, et en particulier avec l’Egypte, vont en se compliquant. Gamal Abdel Nasser, devenu président de l’Égypte, adopte une politique pan-arabe agressive. Comme le président inden Jawaharlal Nehru et le président yougoslave Josip Broz Tito, il opte pour une politique de neutralité dans le cadre de la guerre froide et commence à loucher vers l’est.

Après les morts de Qibya et plusieurs raids de représailles contre la Légion arabe de Jordanie, le commandement jordanien fait les efforts nécessaires pour que le calme revienne à la frontière. Les cas d’infiltrations violentes depuis la rive ouest (Cisjordanie) se font plus rares en 1954. Par contre les actes de sabotages et de meurtres à partir de la bande de Gaza ne cessent pas bien que les autorités égyptiennes s’opposent aux initiatives prises par les réfugiés palestiniens. Pourtant plusieurs opérations violentes ont été perpétrées par des agents au service du quartier général égyptien. Ils agissent en profondeur à l’intérieur du territoire israélien à des fins d’espionnage et souvent ils s’en prennent aux juifs qu’ils croisent. Deux jours après le retour de Ben Gourion au ministère de la Défense, une poignée d’espions venue de Gaza pénètre dans la région de Ré’hovot, sabotent des installations et tue un passant juif. En parallèle tout le pays s’émeut de l’exécution capitale le 31 janvier 1955 de deux des prisonniers du Caire, malgré les nombreux et continus efforts pour mobiliser des personnalités du monde entier en faveur d’un allègement des peines des détenus de l’affaire Habish et pour empêcher les exécutions capitales. À Jérusalem on a le sentiment que Nasser veut éviter les exécutions mais les condamnations à mort récentes d’activistes parmi les frères musulmans vont l’empêcher d’intervenir en faveur des juifs. Les détenus, dont la jeune Marcelle Ninio, sont condamnés à de lourdes peines de prison et les deux chefs du réseau Moshé Marzouk et Shmuel Ezer sont exécutés.

En réponse aux incursions à partir de la bande de Gaza, une unité de parachutistes attaque dans la nuit du 28 février un campement militaire et une station de chemin de fer dans la zone de Gaza. L’opération Flèche noire se transforme en un affrontement violent. Une unité égyptien et envoyée en renfort depuis e sud de Gaza et tend une embuscade. Les parachutistes sont confrontés à une forte résistance près du campement militaire égyptien. A l’issue du combat, on compte 38 soldats égyptiens tués et 31 blessés. 8 parachutistes israéliens sont morts.

La réaction de Nasser à ce raid est à l’opposée de celle des jordaniens. Au lieu de calmer le jeu à la frontière, il lâche les freins et les actes hostiles vont en augmentant. EN outre, il met sur pied une unité spéciale de Feddayin, c’est à dire « ceux qui sont prêts à donner leur âme à la guerre sainte », chargée d’actions de sabotage aux frontières d’Israël. Moshé Dayan a donc un problème. Il apparaît que la politique de représailles qui a partiellement fonctionné à la frontière jordanienne, échoue totalement à la frontière égyptienne. Dayan développe à présent l’idée que les actions de représailles peuvent s’apparenter à des enchères inversées : gagnera celui qui sera prêt à encaisser le prix le plus élevé. Israël doit donc accepter de choisir un prix plus élevé que l’autre camp, même si cela peut l’entrainer dans une guerre totale. Déjà au début de l’été 1954, il exprima cette opinion lors d’une visite chez David Ben Gourion, alors redevenu simple citoyen. A cette époque, Ben Gourion recevait des soins dans un hôpital et Dayan lui fit partager sa vision d’une politique offensive à propos des incidents de frontières. Quand Ben Gourion lui demanda s’il voulait la guerre, Dayan répondit clairement : « je ne souhaite pas que nous prenions l’initiative d’un conflit mais je m’oppose à toute concession sur une quelconque parcelle de notre territoire, et si à cause de cela les arabes voulaient entrer en guerre, je ne m’y opposerais pas. Leurs menaces ne doivent pas nous empêcher d’agir. »

 

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