La tension à la frontière avec Gaza s’aggrave au cours de l’été. Aux incursions d’infiltrés à l’intérieur du territoire israélien, s’ajoute un embrasement général de la frontière. Une clôture a été dressée autour de la bande de Gaza. Israël matérialise la frontière fixée par les observateurs de l’ONU en creusant un sillon profond sur toute sa longueur. Du côté israélien un chemin de terre longe le sillon et est parcouru plusieurs fois par jour par des patrouilles motorisées afin de manifester la souveraineté israélienne sur la zone et protéger les agriculteurs. Moshé Dayan encourage les villages situés le long de la bande de Gaza à labourer leurs champs jusqu’au bord de la frontière malgré le risque d’être repérés depuis les positions égyptiennes situées en face. De temps en temps des bergers palestiniens franchissent le sillon afin de faire paître leurs troupeaux sur les champs cultivés des kibboutzim. Quand les patrouilles de Tsahal les expulsent, ils se vengent en posant des mines sur le chemin emprunté par les patrouilles. Il arrive donc que des soldats israéliens sont blessés par ces mines. Depuis les positions égyptiennes où sont principalement stationnés des soldats palestiniens appelés en renfort, on tire parfois sur les patrouilles et les agriculteurs qui travaillent près de la frontière. De son côté, Dayan demande à des unités de Tsahal d’être à l’affût et de réagir avec fermeté à toute tentative de harcèlement venue du côté égyptien ou palestinien. A la mi-avril, le kibboutz de Na’hal oz est bombardé et Dayan obtient le feu vert de Ben Gourion d’engager l’artillerie si des patrouilles de Tsahal sont prises pour cible. En attendant il autorise les troupes stationnées à la frontière à utiliser des mortiers sans attendre un ordre venu d’en haut et il ordonne d’attaquer la position égyptienne qui aura mis en danger la patrouille.
Le 30 mai les égyptiens et les palestiniens reprennent leurs bombardement contre Miflassim et Na’hal Oz, tuant deux habitants et en blessant quatre autres. Dayan fait bombarder à l’artillerie la zone d’où sont partis les tirs. Il se rend rapidement sur les lieux de l’attentat et demande aux troupes de se préparer à conquérir Gaza si la situation devait dégénérer, mais les égyptiens stoppent les tirs. Un calme relatif s’établit le long de la frontière durant les mois de juin et de juillet grâce à la mise en place d’un mécanisme de l’ONU sous la direction du lieutenant-général canadien E. Burns.
Dans la seconde quinzaine du mois d’août la tension s’aggrave brutalement pour atteindre son point culminant le 22 août. Le matin, une position égyptienne ouvre le feu contre une patrouille israélienne à proximité du kibboutz Miflassim. Son commandant qui a parfaitement assimilé les principales lignes directrices de Dayan, passe la frontière avec son unité et prend d’assaut la position ennemie. La riposte égyptienne ne tarde pas à se produire. C’est la première fois que Nasser fait intervenir une unité de kamikazes feddayin. Plusieurs escouades pénètrent le territoire israélien pendant plusieurs jours, s’attaquant à des civils et semant la terreur dans le sud du pays. Du 25 au 31 août, 16 israéliens sont tués dans la région. Dayan exige le lancement d’une opération de représailles. Mais comme il s’attend à ce que le gouvernement refuse une opération d’envergure, il propose de mener plusieurs opérations très ciblées : la destruction d’un pont sur la route Gaza, Rafia’h et l’organisation d’embuscades. Le gouvernement donne son accord mais le Premier ministre limite leur périmètre et n’autorise que l’emploi de quatre petites unités. Dayan prend acte de la décision et confie à Arik Sharon le soin d’engager l’action. Comme il en a l’habitude, il descend jusqu’à l’un des kibboutzim proches de la frontière, où Sharon a établi son poste de commandement avancé. Dayan veut rencontrer les soldats à leur retour afin de les interroger directement. A minuit passé et alors que les unités sont déjà en route vers leurs objectifs, le colonel Ne’hemiah Argov, le conseiller militaire de Ben Gourion, surgit et ordonne à Dayan de rappeler ses hommes. Car alors séjourne en Israël Elmore Jackson, le représentant à l’ONU de l’American Friends Society, une importante association de quakers, qui tente de faire progresser vers la paix Israël et l’Égypte. Sharret ne veut pas apparaître comme celui qui sabote cette mission par une opération violente au moment même où le délégué séjourne dans le pays.
Dayan est furieux. Il revient du front et présente sa démission au ministre de la défense. Il présente ses motifs de manière très laconique : « l’opposition entre la politique sécuritaire définie par le gouvernement et celle que j’estime nécessaire, ne me permet pas d’exercer les responsabilités attendues de la part d’un Chef d’État-major. » En temps normal cette démission aurait pu apparaître comme une pression illégitime de la part de l’armée sur le gouvernement. Cependant Ben Gourion qui s’apprête à redevenir le chef du gouvernement soutient Dayan et menace lui aussi de démissionner. Sharett fait machine arrière et autorise Tsahal à mener le lendemain une vaste opération. Dans la nuit du 31 août, les parachutistes attaquent un important poste de police fortifié, situé au coeur de la ville de Khan Younis, le détruisent entièrement, tuent 70 soldats égyptiens et en blessant une de 40 autres. Un seul parachutiste est tué.
Au début du mois de Septembre il semble que la guerre pourrait éclater à tout moment. La zone frontalière est lieu propice à toute sorte d’engagement. Le 1er septembre deux avions Vampire égyptiens sont abattus au cours d’un duel aérien. Tsahal concentre des forces importantes en vue de la conquête de la bande de Gaza. Dayan fait renforcer la défense d’Eilat dans l’hypothèse d’une attaque égyptienne. ben Gourion fait passer à Nasser un message énergique dans lequel il menace d’attaquer la bande de Gaza si les égyptiens ne mettent pas un terme aux raids des feddayin contre le territoire israélien. Finalement au bout de trois jours les esprits se calment. Les unités de feddayin retournent à leurs bases et les deux camps répondent à la demande du général Burns d’arrêter les tirs le long de la frontière. Quelques jours plus tard, Tsahal entame le retrait de ses troupes dans le sud.